Publié le 15 mars 2024

Pour une PME, la Bourse n’est pas un pari risqué, mais un instrument de pilotage stratégique de la trésorerie et des marges.

  • Formaliser une charte d’investissement claire est la première étape pour maîtriser les risques et aligner les actions sur les objectifs de l’entreprise.
  • Les marchés offrent des outils de protection (couverture de change, matières premières) aussi puissants que des leviers de performance pour la trésorerie excédentaire.

Recommandation : Commencez par auditer vos risques (change, matières premières) avant même d’envisager un placement, afin de définir une stratégie de couverture adaptée.

Pour un directeur financier de PME, la gestion de la trésorerie est un exercice d’équilibriste permanent. D’un côté, laisser dormir les excédents sur un compte courant est un coût d’opportunité flagrant, érodé par l’inflation. De l’autre, l’évocation des marchés financiers fait souvent ressurgir le spectre du « casino », un univers jugé complexe, volatil et déconnecté des réalités d’une entreprise industrielle ou de services. Cette perception conduit bien souvent à se cantonner aux comptes à terme ou aux SICAV monétaires, des solutions sécurisées mais au rendement quasi nul.

Pourtant, cette vision est parcellaire. Elle ignore une dimension fondamentale des marchés financiers : leur capacité à servir d’outil de protection et de gestion active des risques. Que faire lorsque vos marges sont directement menacées par la fluctuation de l’euro/dollar ou par la flambée du prix de vos matières premières ? Subir passivement ces aléas n’est pas une fatalité. La véritable question n’est donc pas de savoir s’il faut « jouer » en Bourse, mais plutôt comment l’utiliser avec la même rigueur et le même professionnalisme que pour une décision d’investissement stratégique.

L’angle que nous proposons est donc une rupture : considérer les marchés non comme une fin en soi, mais comme une extension de la boîte à outils du DAF. Il s’agit d’y transposer les principes de gouvernance, de contrôle et de mesure de la performance qui régissent déjà votre entreprise. C’est en établissant un cadre strict, une véritable « charte d’investissement », que l’on transforme le risque spéculatif en risque piloté.

Cet article est conçu pour vous guider dans cette démarche. Nous verrons comment définir une stratégie adaptée à votre PME, quels sont les instruments à votre disposition pour la performance comme pour la protection, et comment mettre en place la discipline opérationnelle nécessaire pour naviguer sur ces marchés avec la prudence d’un « bon père de famille ».

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Pour aborder ce sujet de manière structurée, cet article est organisé en plusieurs parties clés. Le sommaire ci-dessous vous permettra de naviguer directement vers les sections qui vous intéressent le plus, de la définition de votre stratégie à la sélection des outils opérationnels.

Investissement ou trading : quelle approche des marchés pour la trésorerie de votre PME ?

La première décision stratégique, avant même de considérer un quelconque produit financier, est de définir la philosophie d’intervention de l’entreprise. Pour une PME, la distinction entre investissement et trading est fondamentale. Le trading, qui implique des opérations fréquentes pour profiter de variations à court terme, est une activité à plein temps qui s’apparente à un métier. Elle est incompatible avec la prudence requise pour la gestion de la trésorerie d’entreprise. L’approche pertinente est donc celle de l’investissement en « bon père de famille », qui vise à faire fructifier la trésorerie excédentaire sur un horizon de moyen ou long terme, ou à se protéger de risques identifiés.

Cette démarche n’est pas une pratique isolée. En France, l’investissement est au cœur des préoccupations des dirigeants ; selon une étude récente, près de 51% des dirigeants de PME ont investi ou prévoient d’investir en 2024, démontrant une volonté de dynamiser leurs actifs. Pour que cette dynamisation ne se transforme pas en aventure risquée, elle doit être encadrée par une gouvernance financière stricte. Cela signifie qu’aucune opération ne doit être laissée à l’initiative isolée d’un dirigeant, aussi éclairé soit-il.

Bureau moderne avec documents financiers abstraits et calculatrice sur bureau en bois

La clé de voûte de cette gouvernance est la charte d’investissement. Ce document interne, validé par les instances de direction, formalise les règles du jeu. Il définit les objectifs (rendement, protection), l’horizon de temps, les classes d’actifs autorisées (actions, obligations, etc.), les limites de risque par position et au global, et les personnes habilitées à passer des ordres. C’est ce cadre qui transforme une initiative potentiellement hasardeuse en une stratégie d’entreprise contrôlée et mesurable. C’est le document qui garantit que l’entreprise ne dévie jamais vers le « casino ».

Votre plan d’action : créer la charte d’investissement

  1. Vérifier l’éligibilité de votre objet social aux opérations financières en consultant le Kbis, et le modifier via une Assemblée Générale Extraordinaire si nécessaire.
  2. Définir les objectifs précis de placement avec votre expert-comptable (horizon, montant maximal alloué, types d’actifs autorisés).
  3. Établir des limites de risque claires et non-négociables (par exemple, une perte maximale de 2% de la trésorerie excédentaire par position).
  4. Désigner nommément les responsables habilités à prendre les décisions d’investissement et à passer des ordres.
  5. Fixer la fréquence et le format du reporting sur la performance et les risques aux associés (mensuel ou trimestriel).
  6. Faire valider formellement la charte par le conseil d’administration ou en assemblée générale pour lui donner force de loi au sein de l’entreprise.

En somme, l’approche d’investissement pour une PME doit être défensive, structurée et collégiale. La charte d’investissement n’est pas une contrainte bureaucratique, mais la police d’assurance qui garantit que les marchés financiers restent un outil au service de l’entreprise, et non l’inverse.

Actions, obligations, OPCVM : le guide des placements de trésorerie pour votre entreprise

Une fois la charte d’investissement définie, la question des instruments se pose. Le choix ne doit pas se faire au hasard, mais en fonction des objectifs, de l’horizon de placement et du niveau de risque définis dans votre gouvernance. Pour une personne morale, l’éventail des possibilités est large, chaque véhicule présentant un couple rendement/risque et un cadre fiscal spécifique. Il est crucial de comprendre leurs caractéristiques pour construire un portefeuille cohérent.

Les actions offrent le potentiel de rendement le plus élevé, mais aussi la plus grande volatilité. Elles ne devraient concerner qu’une part limitée de la trésorerie et pour des horizons longs. Les obligations d’entreprises ou d’État offrent un rendement plus prévisible et un risque moindre, agissant comme un amortisseur dans le portefeuille. Enfin, les OPCVM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières), comme les SICAV et FCP, permettent une diversification instantanée en accédant à un panier de titres géré par des professionnels. C’est souvent la porte d’entrée la plus simple et la plus prudente pour une PME.

Au-delà de ces classes d’actifs, le choix du « contenant » fiscal est tout aussi stratégique. Le compte-titres ordinaire offre une flexibilité maximale, mais les plus-values sont soumises à l’Impôt sur les Sociétés (IS). Le PEA-PME, bien que plafonné, offre une fiscalité très avantageuse après 5 ans. Le contrat de capitalisation, quant à lui, permet de différer l’imposition. Le tableau suivant synthétise les options principales pour une personne morale en France, comme le détaillerait une analyse comparative des solutions d’investissement.

Comparatif des véhicules de placement pour personnes morales
Véhicule Plafond Fiscalité Liquidité Univers d’investissement
PEA-PME 75 000€ Exonération IR après 5 ans Moyenne PME/ETI < 1,5 Md€ CA
Compte-titres ordinaire Illimité IS taux normal Élevée Tous marchés
Contrat de capitalisation Illimité IS différé Variable Fonds euro + UC
SICAV monétaires Illimité IS sur plus-values Très élevée Marché monétaire

La décision finale dépendra donc d’un arbitrage entre rendement espéré, risque accepté, horizon de placement et optimisation fiscale. Une approche diversifiée, combinant par exemple un fonds obligataire pour la stabilité et une poche d’OPCVM actions pour le dynamisme, est souvent la solution la plus équilibrée pour la trésorerie d’une PME.

Votre entreprise travaille en dollars ? Comment vous protéger des fluctuations de l’euro/dollar

Pour de nombreuses PME françaises, le risque financier ne vient pas d’un placement hasardeux, mais directement de leur activité commerciale. Si vous facturez en dollars ou si vous payez des fournisseurs dans cette devise, votre compte de résultat est directement exposé à la volatilité du taux de change EUR/USD. Une baisse du dollar peut anéantir une marge bénéficiaire patiemment construite. Dans ce contexte, les marchés financiers ne sont plus une option de placement, mais un outil de protection indispensable. C’est la quintessence du « risque piloté » : transformer une incertitude subie en un coût maîtrisé.

Ignorer ce risque, c’est laisser sa rentabilité à la merci des marchés. Dans une conjoncture où la situation financière est parfois tendue, chaque point de marge compte. Il ne s’agit pas de spéculer sur l’évolution des devises, mais de « verrouiller » un cours de change pour des transactions futures, garantissant ainsi la rentabilité de vos opérations commerciales. Cette démarche, appelée couverture de change ou « hedging », est accessible aux PME via plusieurs instruments.

Les deux principaux outils sont les contrats à terme (forwards) et les options de change. Un contrat à terme vous engage à acheter ou vendre une quantité de devises à une date et à un prix fixés aujourd’hui. C’est la certitude absolue : vous connaissez exactement votre cours, éliminant tout risque… mais aussi tout potentiel de gain si le change évolue en votre faveur. L’option, quant à elle, fonctionne comme une assurance : vous payez une prime pour avoir le *droit* (et non l’obligation) d’acheter ou de vendre la devise à un cours défini. Si le marché vous est défavorable, vous êtes protégé ; s’il vous est favorable, vous laissez l’option expirer et profitez du meilleur cours. La mise en place d’une telle stratégie doit être méthodique.

  1. Calcul de l’exposition : Quantifiez précisément les montants de vos factures clients et fournisseurs en devises.
  2. Définition du seuil : Déterminez le volume à partir duquel une couverture est rentable (souvent autour de 100 000€).
  3. Comparaison des offres : Mettez en concurrence les banques traditionnelles et les nouvelles fintechs spécialisées, souvent plus agiles et moins coûteuses.
  4. Choix de l’instrument : Arbitrez entre le contrat à terme (certitude) et l’option (flexibilité) selon votre aversion au risque.
  5. Documentation comptable : Formalisez la stratégie et ses impacts dans l’annexe comptable pour une parfaite transparence vis-à-vis de votre expert-comptable.

En définitive, la couverture de change est une décision de bonne gestion. Elle ne vise pas le profit, mais la préservation des marges, qui est le cœur de la performance d’une PME. C’est une illustration parfaite de l’usage prudent et stratégique des marchés financiers.

Le prix du blé s’envole ? Comment les marchés à terme peuvent protéger vos marges

À l’instar du risque de change, de nombreuses PME, notamment dans les secteurs agroalimentaire, industriel ou du BTP, sont exposées à la volatilité des prix des matières premières. Qu’il s’agisse du blé pour un boulanger industriel, du cuivre pour une entreprise du bâtiment ou de l’aluminium pour un fabricant de pièces, une envolée des cours peut mettre en péril l’équilibre économique d’un contrat signé plusieurs mois à l’avance. Ici encore, les marchés financiers, et plus spécifiquement les marchés à terme (futures), offrent une solution de protection robuste.

L’idée est la même que pour le change : sécuriser aujourd’hui le prix d’un achat ou d’une vente qui aura lieu dans le futur. Un contrat à terme sur le blé, par exemple, permet à un industriel de fixer le prix de son approvisionnement pour les six prochains mois, quelle que soit l’évolution du marché. Cette visibilité est cruciale pour établir des devis fiables et protéger les marges. Face à une croissance économique parfois incertaine, la maîtrise des coûts devient un levier de performance essentiel, comme le souligne la Banque de France. L’utilisation d’outils de couverture est une réponse directe à ce défi, permettant de sécuriser les approvisionnements et de stabiliser les coûts de production.

Vue macro de grains de blé dorés avec effet de profondeur de champ extrême

Longtemps réservés aux grandes entreprises, ces outils se sont démocratisés. La Direction de la Banque de France le confirme dans une publication sur la situation financière des PME françaises, expliquant que les solutions se sont adaptées :

Les ‘mini-contrats’ et les options sont des outils plus flexibles et moins coûteux, parfaitement adaptés aux volumes d’une PME française qui n’a pas besoin de couvrir des milliers de tonnes.

– Direction de la Banque de France, Rapport sur la situation financière des PME 2024

Étude de Cas : Protection contre la volatilité des matières premières pour une PME

Dans un contexte où, selon une étude de la Banque de France, la croissance du chiffre d’affaires des PME est limitée, la maîtrise des coûts est vitale. Une PME du secteur du BTP, par exemple, peut utiliser des mini-contrats sur le cuivre disponibles sur le LME (London Metal Exchange) pour couvrir ses besoins sur un chantier de 6 mois. L’avantage majeur est que cela ne mobilise qu’une faible partie de sa trésorerie : le dépôt de garantie exigé représente souvent seulement 5% à 10% de la valeur totale du contrat, tout en couvrant 100% du risque de prix.

Ainsi, se couvrir contre la volatilité des matières premières n’est pas une manœuvre spéculative, mais une gestion proactive des coûts. C’est une stratégie défensive qui assure la pérennité de la marge, fondement de la santé financière de l’entreprise.

Comment sont imposées les plus-values boursières de votre entreprise ?

L’un des aspects les plus techniques, mais essentiels, de la gestion des placements pour une entreprise est la fiscalité. Une mauvaise anticipation de l’impôt peut transformer une belle plus-value brute en une performance nette décevante. En France, le régime d’imposition des gains financiers pour une personne morale est fondamentalement différent de celui des particuliers. Il est donc impératif de le maîtriser pour évaluer correctement la rentabilité réelle de vos placements.

Pour une société soumise à l’Impôt sur les Sociétés (IS), la règle générale est simple : les plus-values issues de la cession de titres de placement (actions, obligations, parts d’OPCVM) sont considérées comme un produit financier classique. Elles sont donc intégrées au résultat de l’entreprise et imposées au taux normal de l’IS (actuellement 25% en France). De même, les moins-values sont déductibles du résultat imposable, ce qui permet de compenser les pertes et les gains. Il n’y a pas de « flat tax » ou d’abattement pour durée de détention comme pour les particuliers.

Il existe cependant des régimes dérogatoires importants. Le plus connu est le régime mère-fille. Si votre entreprise détient au moins 5% du capital d’une autre société (la filiale), les plus-values réalisées sur la cession de ces titres de participation peuvent être quasiment exonérées d’IS, à l’exception d’une quote-part de frais et charges de 12%. Ce régime vise à éviter la double imposition des bénéfices au sein d’un groupe. La déclaration et le suivi de ces opérations doivent être effectués avec une grande rigueur, en collaboration étroite avec votre expert-comptable, pour rester en parfaite conformité avec l’administration fiscale.

Votre checklist pour la déclaration fiscale des plus-values

  1. Vérifier le régime fiscal applicable à votre entreprise (IS ou IR) et le taux correspondant pour l’exercice en cours.
  2. Calculer les plus-values nettes de l’exercice en compensant l’ensemble des plus-values et des moins-values réalisées.
  3. Identifier précisément les participations éligibles au régime d’exonération mère-fille (détention de plus de 5% du capital).
  4. Compléter rigoureusement les formulaires 2058-A (détermination du résultat fiscal) et 2059-A (plus-values à long terme) de la liasse fiscale.
  5. Documenter chaque cession (date, prix d’achat, prix de vente) dans l’annexe comptable pour justifier les calculs.
  6. Anticiper la trésorerie nécessaire pour le paiement de l’acompte et du solde de l’IS sur les plus-values taxables.

Cette rigueur administrative est indispensable pour sécuriser vos opérations. Pour vous y aider, vous pouvez vous référer à la documentation fiscale officielle sur l’imposition des plus-values.

En conclusion, la fiscalité n’est pas une simple formalité, mais une composante à part entière de la performance de vos placements. Une bonne planification fiscale est le complément indispensable d’une bonne stratégie d’investissement.

Ordre au marché, limité, stop : lequel choisir pour acheter ou vendre une action ?

Passer un ordre en Bourse est l’acte opérationnel qui concrétise votre stratégie d’investissement. Le choix du type d’ordre n’est pas anodin ; il est la traduction directe de vos intentions et de votre niveau de contrôle sur le risque. Pour une entreprise, où la discipline est reine, comprendre et utiliser le bon type d’ordre est une compétence fondamentale. On distingue principalement trois familles d’ordres.

L’ordre « au marché » est le plus simple : il donne priorité à l’exécution immédiate, quel que soit le prix. Vous êtes certain que votre ordre sera exécuté, mais vous n’avez aucune maîtrise du prix d’achat ou de vente. Il est à réserver aux situations d’urgence ou aux titres très liquides où l’écart de prix est faible. À l’opposé, l’ordre « à cours limité » fixe un prix maximum à l’achat ou un prix minimum à la vente. Vous maîtrisez parfaitement le prix, mais l’exécution n’est pas garantie si le marché n’atteint jamais votre limite. C’est l’ordre de la patience et de la discipline de prix.

Enfin, les ordres « stop » sont des outils de gestion du risque par excellence. Un ordre « stop-loss » se déclenche automatiquement pour vendre une position si le cours atteint un seuil de perte que vous avez prédéfini. Il agit comme un filet de sécurité pour couper les pertes et empêcher un dérapage. Un ordre « stop-profit » (ou « take profit ») fonctionne inversement, pour sécuriser des gains. L’utilisation systématique des ordres stop-loss est une manifestation concrète de la gouvernance définie dans votre charte d’investissement, car elle automatise la discipline et retire l’émotion de la décision.

Étude de Cas : L’ordre stop-loss comme outil de gouvernance

Comme l’illustrent des conseils pratiques pour l’investissement en PME, une entreprise technologique française a intégré une règle stricte dans sa charte d’investissement : l’obligation de placer un ordre de vente stop-loss à -15% sur chaque nouvelle position en actions. Cette règle, validée par le conseil d’administration, garantit que la discipline de risque est respectée de manière automatique, sans dépendre de l’état émotionnel ou de la disponibilité du dirigeant. Le résultat est une limitation mathématique de la perte maximale : si une position représente au maximum 13% du portefeuille total, une perte de 15% sur cette position ne peut impacter la trésorerie globale de plus de 2%, respectant ainsi le seuil de risque global fixé dans la charte.

En résumé, l’ordre limité est l’outil du contrôle du prix, tandis que l’ordre stop est celui du contrôle du risque. Une gestion d’entreprise rigoureuse des placements combinera intelligemment ces deux types d’ordres pour exécuter sa stratégie avec précision et sécurité.

Le « money management » : l’art de dimensionner vos positions pour survivre et prospérer

Avoir raison sur la direction d’un titre ne suffit pas pour réussir en Bourse. La question la plus importante n’est pas « quoi acheter ? », mais « combien acheter ? ». C’est tout l’art du « money management », ou la gestion du capital. Pour une entreprise, ce principe est encore plus crucial que pour un particulier : l’objectif premier n’est pas de maximiser les gains à tout prix, mais de préserver le capital de l’entreprise. Un seul investissement surdimensionné qui tourne mal peut avoir des conséquences graves sur l’activité principale.

Le principe fondamental du money management est de ne jamais risquer une part significative de sa trésorerie sur une seule opération. La règle la plus célèbre, souvent citée dans le monde du trading mais parfaitement applicable à l’investissement d’entreprise, est la « règle des 2% ». Elle stipule que la perte potentielle sur une seule position ne devrait jamais dépasser 2% du capital total alloué aux marchés. Ce n’est pas la taille de la position qui compte, mais la perte maximale que vous acceptez si votre scénario s’avère faux.

Espace de travail minimaliste avec balance en laiton symbolisant l'équilibre financier

Pour calculer la taille de votre position, vous devez donc combiner cette règle avec votre ordre stop-loss. Par exemple, si votre capital d’investissement est de 100 000€, votre perte maximale par opération est de 2 000€ (2%). Si vous décidez d’acheter une action à 50€ avec un stop-loss à 45€, votre risque par action est de 5€. Vous pouvez donc acheter 400 actions (2 000€ / 5€), soit une position de 20 000€. Cette approche mathématique et disciplinée est le seul rempart contre les décisions émotionnelles et les erreurs de jugement qui mènent aux pertes importantes. Elle assure la survie à long terme sur les marchés, qui est la condition sine qua non de la prospérité.

En fin de compte, le money management est la traduction chiffrée de la prudence. Il garantit que même une série de mauvaises décisions n’entamera pas durablement votre capital, vous laissant toujours la capacité de vous refaire. C’est la différence fondamentale entre une gestion professionnelle et un pari de casino.

À retenir

  • La charte d’investissement est le document non-négociable qui formalise la stratégie, les limites de risque et la gouvernance des placements de l’entreprise.
  • Les marchés financiers offrent un double levier stratégique : la performance pour la trésorerie excédentaire et la protection (couverture) contre les risques de change et de matières premières.
  • Le choix des outils opérationnels (types d’ordres, plateforme, taille de position) doit toujours découler de la stratégie définie en amont, et non l’inverse.

Quelle plateforme de trading choisir quand on est une entreprise ?

Le choix du courtier ou de la plateforme est la dernière étape opérationnelle, mais elle n’est pas la moins importante. Les besoins d’une personne morale sont spécifiques et diffèrent de ceux d’un investisseur individuel. Les critères de sélection doivent donc être alignés sur les exigences de votre charte d’investissement, de votre comptabilité et de votre stratégie de gestion des risques.

Trois critères principaux doivent guider votre décision. Premièrement, l’univers d’investissement proposé : le courtier donne-t-il accès aux instruments dont vous avez besoin ? Si votre stratégie inclut la couverture de matières premières, une plateforme limitée aux actions et OPCVM sera insuffisante. Vérifiez l’accès aux marchés à terme, aux options et aux différentes places boursières. Deuxièmement, les fonctionnalités de reporting et d’export comptable. Une bonne plateforme doit permettre d’exporter facilement les historiques de transactions dans un format (Excel, OFX, PDF) exploitable par votre expert-comptable pour simplifier la liasse fiscale. C’est un gain de temps et une source de fiabilité essentiels.

Troisièmement, la qualité et la diversité des types d’ordres disponibles. Assurez-vous que la plateforme propose des ordres stop-loss et take-profit fiables, ainsi que des ordres valables sur plusieurs jours (Good Till Cancelled – GTC), particulièrement utiles pour une entreprise qui ne peut pas suivre les marchés en permanence. Enfin, les conditions tarifaires et le dépôt minimum pour les comptes « personne morale » sont bien sûr à comparer. Le tableau ci-dessous offre un aperçu de quelques acteurs en France et de leurs spécificités pour les entreprises, basé sur des comparatifs de courtiers disponibles en ligne.

Comparatif de quelques courtiers pour personnes morales en France
Courtier PEA-PME Marchés à terme Export comptable Dépôt minimum PM
Interactive Brokers Non Oui (tous) Excel/API 10 000€
Saxo Banque Oui Oui (limité) PDF/Excel 2 000€
Boursorama Pro Oui Non OFX 0€
BforBank Pro Oui Non PDF 300€

Pour mettre en pratique ces conseils, l’étape suivante consiste à préparer le dossier d’ouverture de compte. Assurez-vous de rassembler tous les documents requis, tels que le Kbis, les statuts, la déclaration des bénéficiaires effectifs et le procès-verbal de l’AG autorisant l’ouverture du compte, afin de fluidifier le processus avec le courtier que vous aurez sélectionné.

Questions fréquentes sur l’utilisation de la Bourse en entreprise

Peut-on utiliser des ordres GTC (Good Till Cancelled) pour une entreprise ?

Oui, les ordres GTC sont particulièrement adaptés aux entreprises qui ne peuvent pas surveiller quotidiennement les marchés. Ils restent actifs jusqu’à exécution ou annulation manuelle, ce qui est idéal pour mettre en place des stratégies à moyen ou long terme définies dans la charte d’investissement, comme des objectifs de vente ou des stops de protection.

Quelle différence entre ordre stop et ordre à seuil de déclenchement ?

L’ordre stop « classique » (ou stop au marché) se transforme en ordre au marché une fois le seuil de déclenchement atteint. Il garantit l’exécution mais pas le prix exact, qui peut être moins bon en cas de forte volatilité. L’ordre « à seuil de déclenchement » (ou stop limite) ajoute une deuxième condition : une fois le seuil atteint, il devient un ordre à cours limité. Il protège donc du dérapage de prix, mais ne garantit pas l’exécution si le marché bouge trop vite.

Comment documenter les ordres pour l’expert-comptable ?

La documentation est cruciale pour la transparence et la conformité fiscale. Conservez systématiquement les avis d’opéré (confirmations d’ordres) fournis par votre courtier, les relevés de votre compte-titres et, idéalement, tenez un registre interne des décisions d’investissement qui mentionne pour chaque opération la motivation, la stratégie, les seuils d’entrée/sortie et le lien avec la charte d’investissement.

Rédigé par Alexandre Petit, Alexandre Petit est un analyste quantitatif qui a passé 8 ans à développer des stratégies de trading algorithmique pour des fonds d'investissement. Il se spécialise aujourd'hui dans la vulgarisation des approches systématiques pour les investisseurs individuels et les trésoriers d'entreprise.